L’exercice climatique 2023 du superviseur des assurances (ACPR – Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution) a été lancé le 6 juillet dernier. Ce dernier présente ses objectifs et attentes tout en relevant les hypothèses à considérer tout au long de la modélisation des périls climatiques.
Ainsi, les assureurs désireux de mener à bien leur exercice climatique, ont à leur disposition :
- un document de présentation des hypothèses et scénarios
- un guide technique
- des fichiers Excel détaillant les hypothèses et chocs retenus
- des templates de remise
Ces documents sont accessibles sur le site internet de l’ACPR : https://acpr.banque-france.fr/scenarios-et-hypotheses-principales-de-lexercice-de-stress-test-climatique-2023
En complément, les participants à l’exercice ont la possibilité de poser leurs questions à l’ACPR. Et très prochainement, ils pourront bénéficier d’une FAQ qui sera diffusée hebdomadairement ou bimensuellement.
Pour rappel, l’ACPR a conduit en 2020-2021, un premier exercice pilote de stress-tests climatiques, avec pour objectif la sensibilisation des secteurs bancaire et assurantiel face au risque climatique et ses conséquences financières.
Les principaux objectifs de ce nouvel exercice…
…visent à compléter le cadre méthodologique de l’exercice pilote de 2020, incitant les assureurs à poursuivre l’intégration du risque climatique au sein de leurs états financiers et de leur gestion interne, sans oublier l’évaluation des vulnérabilités des assureurs français face au risque de changement climatique.
Dit autrement, cet exercice cherche à capter d’une part le comportement des assureurs face à des dérives de sinistralité engendrées par les dérèglements climatiques (via les scénarios long terme), et d’autre part les possibles impacts sur la solvabilité de ces derniers (via les scénarios court terme). Il s’agira donc également de tester la capacité des modèles à intégrer ce type de risque, à savoir exploiter les données à disposition et identifier les données manquantes afin de pouvoir le mesurer de la façon la plus appropriée. L’objectif est donc prudentiel, mais également préventif.
Les objectifs de l’exercice climatique en 3 dimensions
Quelles sont les différences par rapport à l’exercice pilote de 2020 ?
Alors qu’en 2020, trois trajectoires d’actifs et une trajectoire de passif avaient été retenues, cette année l’ACPR propose :
- deux scénarios long terme à horizon 2050, Delayed Transition et Below 2°C, issus de la dernière génération de scénarios NGFS et tenant compte du risque physique chronique
- un scénario court terme à horizon 2027, ainsi qu’une trajectoire centrale « baseline » dénuée de risque climatique
Contrairement à l’exercice pilote, ces nouveaux scénarios combinent dans chaque cas des impacts à l’actif et au passif (RCP 4.5 du GIEC, contre 8.5 en 2020), permettant une analyse conjointe et cohérente des risques physique et de transition.
Le point de départ des projections de long terme et de court terme est la remise prudentielle et comptable au 31/12/2022. Par ailleurs, les hypothèses de bilan statique puis dynamique, permettant des actions de gestion, sont conservées pour les trajectoires de long terme, tandis que le scénario de court terme se fera à bilan statique.
Le cadre général des scénarios de l’exercice climatique
Quels sont les risques couverts et les hypothèses associées ?
Les risques évalués demeurent les mêmes que dans l’exercice pilote. À l’actif, le risque de marché est capté au travers de la dévalorisation de certains secteurs dans le cadre de l’implémentation de normes environnementales ; et au passif ce sont les risques vie, non-vie et santé, inhérents à une dérive de sinistralité induite par une augmentation du risque physique, sur la fréquence et le coût des évènements climatiques extrêmes et chroniques.
L’intégration d’un scénario de court terme témoigne de la volonté de l’ACPR de tester la résilience des organismes par rapport à des évènements extrêmes mais plausibles et de capter les impacts sur la solvabilité à un horizon business plan usuel. On notera également que l’ACPR applique dans son exercice de place les préceptes qu’elle préconise par ailleurs pour la prise en compte du risque climatique par les assureurs dans le cadre de l’ORSA (prise en compte de trajectoires climatiques, cible à long terme avec mesure d’indicateurs à différents jalons prospectifs, etc.).
Le scénario à court terme a vocation à combiner des impacts vie et non-vie au passif et des chocs à l’actif, selon un narratif précis :
Quant au format des hypothèses des scénarios de long terme, il demeure très similaire à celui de l’exercice pilote, à quelques exceptions près. À l’actif, les biens immobiliers seront désormais choqués au même titre que les actions et les obligations, et au passif l’ajout de classes d’âge permet une modélisation plus fine des scénarios santé. Autrement, pour ce qui est des trajectoires sur les taux souverains, sur les actions, les spreads de crédit par secteur, ou sur les prix immobiliers, celles-ci sont fournies de 2025 à 2050, par pas de cinq ans.
Concernant les actions et obligations, comme en 2020, une classification par secteur d’activité via l’utilisation des codes NACE permet de distinguer les secteurs « bruns » et « verts », en fonction de leur sensibilité à l’implémentation de normes environnementales. La différence avec l’exercice pilote réside dans la granularité retenue pour déterminer ces secteurs : plus fine pour les secteurs les plus impactés, plus englobante pour les autres. En effet, on passe de 55 secteurs actions en 2020 à 22 en 2023.
Pour les taux souverains, les nouvelles hypothèses couvrent plus de zones, incluant désormais la zone euro et le Japon.
Enfin, les chocs immobiliers sont répartis à la maille régionale pour les biens situés en France métropolitaine, et à une maille plus grossière sinon : Etats-Unis, reste de l’Europe, reste du monde.
Les scénarios retenus pour le périmètre santé-prévoyance restent les maladies vectorielles et la pollution ; les garanties choquées sont toujours le décès, les frais de soin et les arrêts de travail. Les hypothèses sont fournies entre 2024 et 2050 et à la même maille géographique que pour l’exercice pilote : une maille globale et une maille plus fine, régionale pour les maladies vectorielles, et municipale pour la pollution. L’ajout de classes d’âge permet en outre, en fonction des données disponibles, de segmenter le portefeuille d’assurés pour des résultats plus précis. La différenciation par classe d’âges permettra notamment de mettre en exergue la différence de sensibilité entre les enfants, la population active, et les personnes âgées pour ces deux périls.
Par ailleurs, dans un souci d’homogénéité et de comparabilité des résultats, l’ACPR encourage les acteurs à capitaliser sur les services fournis par la CCR en matière d’expositions sur les dommages aux biens (liés aux inondations fluviales, submersion marine, subsidence, tempêtes cycloniques) pour la France métropolitaine. L’utilisation de données en open source est également suggérée, notamment l’outil CLIMADA, pour la modélisation des périls n’entrant pas dans le champ d’action de la CCR. Chaque acteur reste bien entendu libre d’utiliser les modèles prédictifs qu’il souhaite dans le cadre de cet exercice.
De manière générale, les hypothèses vie et santé sont fournies par AON sur un format similaire aux scénarios de long terme.
En termes de reporting
Les entrées demandées se rapprochent un maximum des résultats présents dans le reporting réglementaire :
- Liste des actifs avec détail sur leur nature, secteur, pays d’émission, et s’ils sont cotés
- Bilan avec postes simplifiés
- Résultat technique vie et non-vie, avec certains postes simplifiés
- Détails sur le nombre de risques, les valeurs assurées et les primes, dans le cadre du régime CatNat et des scénarios de santé
- Une nouveauté pour la non-vie : le nombre de risques résiliés du fait d’un dépassement des seuils d’inassurabilité
- Pour l’onglet dédié au scénario de court terme, les éléments à communiquer seront les suivants :
- Total des fonds propres disponibles et éligibles
- Exigences de capital
- Détails sur les modules
- Différents éléments de calcul du SCR
Et pour chacun des scénarios, cinq échéances seront à communiquer :
- Les indicateurs pour chacune des années entre 2022 et 2027 pour le scénario de court terme
- Les indicateurs en 2022, puis par pas de cinq ans, puis par pas de dix ans pour les scénarios de long terme, constituant également cinq échéances.
Concernant le calendrier
Les remises intermédiaires sont attendues en novembre. L’ACPR souhaite en effet s’assurer que dans le cadre de la prise en compte de la transition certains secteurs d’activité ne se retrouvent pas privés de financements de la part des assureurs au bout de quelques années, autrement dit que les stratégies d’investissements ne risquent pas de générer de risque sectoriel de financement. Les remises définitives sont attendues pour décembre.
Cet article a été rédigé par nos experts :
Auriol WABO
Consultant – Modeling & Risk P&C
Romain NOBIS
Manager – Modeling & Risk P&C
Thibaut GILLIARD
Director, Deputy Head of Modeling & Finance Life & Health
Pour aller plus loin :
Replay Webinar | Climate Talk – Exercice climatique : décryptage, préparation et projection
Retrouvez dès maintenant le replay de notre Climate Talk dédié à l’exercice climatique, durant lequel, différents sujets ont été abordés pour les experts Addactis :
- Décryptage et préparation de l’exercice climatique : comment traduire une trajectoire climatique en trajectoire d’activité pour son organisme ?
- Présentation du modèle clé en main addactis® pour l’exercice climatique : nous avons conçu un cadre de projection climatique permettant de répondre à l’exercice quel que soit le secteur d’activité d’assurance
- Possibilité de compléter votre ORSA par l’intégration de la durabilité dans l’évaluation de votre BGS
- Présentation de CLIMADA, une plate-forme open source de modélisation quantitative des risques climatiques d’un point de vue historique et prospectif, préconisée par l’EIOPA et l’ACPR, notamment dans le cadre de l’exercice pilote de cette année