En ce début du mois d’avril 2020 et dans un contexte pandémique sans précédent, le ministre de l’Économie et des Finances avait lancé une alerte au sujet des conséquences économiques en France de l’épidémie COVID-19, évoquant la possibilité de connaître en 2020 la pire année de récession économique depuis la fin de la deuxième guerre mondiale.
Cette crise sanitaire avait soulevé des questions d’ordre politique et socio-économique. Ces dernières auraient indéniablement des impacts sur les différents secteurs d’activité, y compris sur l’industrie d’assurance.
En 2020, la pire récession « depuis 1945 ».
Dans ce contexte, l’article Addactis a pour but de présenter les principaux impacts macro-économiques observés à ce jour ainsi que les mesures discutées sur la scène politique afin de limiter les effets de cette crise sanitaire sur la situation financière des États.
Des taux durablement bas
Au niveau de la zone euro, la Banque Centrale Européenne (BCE) envisageait dans son dernier rapport macro-économique une croissance nulle ou négative en 2020 en fonction du niveau de propagation de l’épidémie. Plus particulièrement, une incertitude demeurait quant à la durée et la sévérité de la crise sanitaire qui obligeait plus de la moitié de la planète à être en confinement. De ce fait, et au vu des impacts déjà constatés au niveau des marchés financiers, la BCE avait retenu deux scénarios défavorables en termes de durée et de propagation du COVID-19, accompagnés de scénarios plus sévères reposant sur des chocs financiers additionnels.
Par conséquent, dans un climat de dégradation des perspectives de croissance et d’inflation de la zone euro, une éventuelle hausse des taux d’intérêts semblait peu probable, et ce, malgré l’arrêt de la politique d’assouplissement quantitatif (ou quantitative easing) par la BCE. Enfin, le maintien du niveau des taux actuels était prévu jusqu’au retour durable de l’inflation légèrement sous les 2 %, comme précisé dans le communiqué relatif aux décisions de politique monétaire du 23 janvier 2020.
Par ailleurs, alors que les taux étaient négatifs en Europe, les États-Unis suivaient un chemin similaire qui s’était accéléré suite à l’apparition du COVID-19. En effet, la Réserve Fédérale des États-Unis (ou Federal Reserve System (FED)) avait pour habitude de revoir à la hausse ou à la baisse les taux directeurs (fed funds rate ou overnight index swap rate) de 25 bp en moyenne lors des FOMC meetings tenus tout au long de l’année. Ces derniers avoisinaient les 1 %, 1,25 % avant l’événement COVID-19. Suite à cette épidémie, c’était la première fois que la FED réduisait de 1 % (en deux temps) son taux directeur pour aboutir à un taux compris actuellement entre 0 % et 0,25 %[1].
Des marchés financiers encore plus volatiles
Le comportement des marchés financiers était plus volatil que celui observé lors de la crise financière de 2008.
Parmi les mesures adoptées en Europe pour limiter cette volatilité, il était possible de citer la décision de l’Autorité des marchés financiers (AMF) d’interdire toute nouvelle création de position courte nette ainsi que toute augmentation d’une position existante, et ce, pendant un mois (du 18 mars 2020 au 16 avril 2020). [2]
Les dispositifs d’urgence avaient également été déclenchés aux États-Unis. À titre d’exemple, le circuit breaker, ayant pour but d’éviter les mouvements de panique et d’empêcher la bourse de s’effondrer, avait été activé plusieurs fois ces dernières semaines. Il est à rappeler que ce circuit breaker avait été intégré après le krach d’octobre 1987, à la demande du Congrès américain. Ce dernier permettait de suspendre, pendant quelques minutes, toute négociation sur des actions, dans le cas de franchissement de paliers à la baisse. Enfin, il est à noter que le circuit breaker avait été appliqué uniquement une fois durant la crise de 2008 et n’avait pas été activé depuis.
Le marché a atteint des niveaux de volatilité dépassant ceux observés lors de la crise financière de 2008.
Par ailleurs, il était possible de suivre la volatilité des marchés financiers à partir de différents indicateurs. Le tableau ci-dessous présentait un exemple d’évolution de l’indice VIX, qui permettait de mesurer la volatilité des actions américaines :
Figure 1 : Evolution de l’indice VIX depuis 2003
Qu’en est-il de la liquidité ?
La liquidité était un facteur clé qui impactait directement l’économie du pays et, par conséquent, les secteurs d’activité, y compris l’industrie d’assurance ainsi que le comportement des ménages. Plus particulièrement, l’un des principaux impacts sur les ménages correspondait aux opérations de rachats massifs liés à la perte de confiance en l’environnement économique. Ce risque de liquidité devait être suivi d’autant plus que les impacts de la crise de 2008 n’avaient pas encore été entièrement absorbés dans certains pays.
Par ailleurs, il est à noter que les activités de fusions-acquisitions étaient également ralenties dans le contexte pandémique actuel en raison des problématiques de liquidité.
Dans ce contexte, un ensemble de mécanismes en cours de discussion par les États de la zone euro étaient envisagés et détaillés infra. La décision finale devait être rendue suite aux réunions en cours de l’Eurogroupe qui avaient été prévues entre le 07 et le 09 avril 2020.
Mécanisme Européen de Stabilité : jusqu’à 240 milliards d’euros
Cette mesure était principalement poussée par l’Allemagne (au même titre qu’en 2008) et suggérait de proposer des aides sous conditions. Cette suggestion risquait encore une fois d’être rejetée par les pays du sud de l’Europe en raison de la politique d’austérité budgétaire résultante.
Dispositif Européen SURE (Support to mitigate unemployment risks in emergency), pour réassurer le chômage : jusqu’à 100 milliards d’euros
Ce dispositif avait été annoncé le jeudi 02 avril 2020 et avait pour but de protéger, à travers le chômage partiel, les activités touchées pleinement par l’épidémie. Ainsi, en plus des mécanismes d’assurance chômage qui s’appliquaient au niveau national, ce régime européen de réassurance avait été pensé pour faire face aux chocs externes sévères.
La démarche sous-jacente à cette approche avait consisté en un emprunt, de la part de la Commission, sur les marchés financiers. De ce fait, les pays membres avaient pu bénéficier des coûts d’emprunt relativement faibles de la zone euro et avaient été plus à même de supporter les coûts engendrés par la mise en chômage partiel.
Garanties de la Banque Européenne d’Investissement (BEI) : jusqu’à 200 milliards d’euros
Cette mesure avait suggéré de créer un fonds de garantie paneuropéen équivalent à 25 milliards d’euros afin de permettre au groupe BEI de soutenir à hauteur de 200 milliards d’euros l’économie des pays de la zone euro. Plus particulièrement, ce fonds devait venir en aide aux entreprises européennes devant faire face au manque de liquidité. Ce dernier aurait pu être alimenté par les contributions des États membres ainsi que celles d’autres institutions de la zone euro.
Il était à noter que ces trois mesures citées ci-dessus risquaient d’alourdir le niveau d’endettement des pays demandeurs.
Corona Bond pour une dette commune des États
L’achat illimité de la dette par la BCE
L’objet de cette mesure était de permettre à la BCE d’acheter des obligations de manière illimitée afin d’augmenter la liquidité des États. Cette mesure risquait également de ne pas être acceptée particulièrement par l’Allemagne pour des raisons similaires à celles relatives au mécanisme Corona Bond. En effet, l’Allemagne, en meilleure situation financière, ne souhaitait pas servir de coussin de sécurité lors des investissements de la BCE.
Plan de relance américain « monnaie hélicoptère » ou « Helicopter money »
La liquidité un enjeu à suivre…
La crise sanitaire en cours liée à l’épidémie de COVID-19 a induit dès à présent des impacts significatifs sur l’environnement politique et socio-économique, conduisant les autorités financières à circonscrire au maximum les effets. Toutefois, personne ne savait alors si ces mesures seraient suffisantes, en particulier si les périodes de confinement devaient se prolonger sur plusieurs mois.
Enfin, l’un des principaux enjeux identifiés résidait en une gestion adéquate de la liquidité de la dette des États. Cela aurait eu des répercussions sur le comportement des ménages et par conséquent sur l’activité économique générale, y compris celle de l’industrie d’assurance qui aurait dû s’adapter en conséquence. Le gouvernement et les grandes compagnies d’assurance étaient d’ailleurs déjà en discussion autour de la création d’un nouveau régime d’assurance de catastrophe sanitaire qui aurait permis aux entreprises de se prémunir contre de tels événements.
[Article mis à jour en juillet 2024]
Ce contenu a été rédigé par notre experte :
Marielle DE LA SALLE
Head of Regulatory Product Management
Addactis
[1] L’historique des évolutions des taux directeurs suite aux FOMC meeting sont accessibles sur le site de la Réserve Fédérale
[2] La décision de l’AMF a été émise le 17 mars 2020
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