Le 8 février dernier, les experts Addactis ont pris la parole devant des acteurs du secteur de l’assurance lors de notre Climate Talk « Regards croisés sur les stress tests climatiques ACPR & intégration récurrente dans le dispositif de gestion des risques ». Durant cet événement, des intervenants d’Allianz France, du Crédit Agricole Assurances et de Sycomore AM ont également partagé leurs retours d’expérience.
Les objectifs de cet exercice climatique 2023 de l’ACPR étaient définis selon trois dimensions : stratégique, prudentielle et opérationnelle.
Regards croisés sur les stress tests climatiques ACPR et la gestion des risques de durabilité
Pour rappel, cet exercice se déroulait sur l’année 2023/2024 :
- Fin mai 2023 : Publication des hypothèses provisoires
- 06/07/23 : Lancement de la campagne / Premier jeu officiel
- Juillet à novembre 2023 : Echanges entre l’ACPR et les participants et mise à jour des hypothèses
- 30/11/23 : Remises intermédiaires
- 15/01/24 : Remise des organismes
- Janvier à mars 2024 : Discussions bilatérales avec les organismes
- Mai 2024 : Publication de l’analyse ACPR
Retour d’expériences Addactis sur ces stress tests
Assurance de personnes
Principaux constats de l’exercice – Scénario court terme
Durant la période s’étendant de 2025 à 2027, une série de chocs financiers a ébranlé l’économie, touchant de manière significative tous les secteurs sans distinction notable, pouvant être assimilé à un choc systémique. Ce phénomène a entraîné des répercussions majeures sur la solvabilité des entreprises, semblables à un choc financier ORSA.
À l’inverse, les chocs techniques ont eu peu d’impact sur le ratio de couverture, soulignant ainsi la résilience relative de cette mesure dans des conditions de volatilité financière.
Principaux constats de l’exercice – Scénario long terme
Entre 2025 et 2050, nos experts ont scruté de près deux types de chocs : techniques et financiers. Sur le plan technique, une dérive de la sinistralité au passif a été observée, créant un écart de liquidité sur la projection pouvant être atténué par des règles de gestion.
Quant aux chocs financiers, ils ont été particulièrement concentrés sur certains secteurs fortement carbonés. Heureusement, les acteurs étaient peu exposés à ces secteurs spécifiques selon la segmentation fournie pour l’exercice. Nous avons ainsi constaté une forte résilience des acteurs face aux scénarios de stress.
Les points forts
Nos experts ont relevé les points forts de cet exercice concernant l’assurance de personnes :
- La poursuite de l’engagement des assureurs ;
- Les cadres de projection court terme et long terme permettant un parallèle fort avec l’intégration d’une dimension durabilité dans l’ORSA ;
- Mise en place des premiers travaux ayant pour objectif l’intégration des risques environnementaux dans le pilotage des risques.
Les limites et les axes d’améliorations
Par ailleurs, quelques limites et axes d’améliorations ont été identifiés pour l’assurance de personnes :
- La maille sectorielle de l’actif trop agrégée, mais dont l’approche opérationnelle est intéressante ;
- Les chocs techniques et financiers, dont les approches et paramétrages pourront être affinés au fil des travaux sur la durabilité ;
- Certains aspects méthodologiques et opérationnels, tels que les modifications tardives d’hypothèses, ou l’absence de prise en compte du risque de réputation.
« Après les grandes orientations de l’ACPR, cet exercice quantitatif est une étape supplémentaire d’intégration de la durabilité dans la gestion des risques et les modèles des assureurs. »
Assurance de biens
Principaux constats de l’exercice – Scénario court terme
Cet exercice a pu permettre une certaine prise de conscience de l’ampleur du risque de rupture de barrage. Cet élément pourrait venir compléter la cartographie des risques.
Bien que l’impact sur le S/C brut soit notable, la hausse des S/C nets est limitée grâce à la réassurance.
Parallèlement, cet exercice a motivé une révision et un enrichissement des scénarios ORSA existants, permettant une meilleure mesure des impacts sur les indicateurs clés de pilotage.
Principaux constats de l’exercice – Scénario long terme
L’évolution des charges n’est pas uniforme sur l’ensemble du territoire français. Si cette hausse est compensée par une augmentation de la prime, les inégalités territoriales risqueraient de se creuser.
Cela conduit également à la question du risque d’inassurabilité qui a été intégré dans cet exercice avec un impact mesuré assez marginal.
Les points forts
Cet exercice souligne plusieurs aspects positifs en ce qui concerne l’assurance de biens :
- La modélisation uniforme entre les acteurs qui ont eu recours à l’assistance de CCR pour mesurer l’impact sur les périls Cat Nat ;
- Des projections sous la vision d’un scénario médian RCP 4.5 (plutôt que RCP 8.5 dans le précédent exercice) ;
- Des nouveautés par rapport à l’exercice pilote qui font sens, notamment l’intégration d’un scénario court terme et la prise en compte du risque d’inassurabilité ;
- Une considération sur les outils actuels et leur évolution pour reproduire cet exercice de manière plus récurrente.
Les limites et les axes d’améliorations
Cet exercice souligne plusieurs aspects positifs en ce qui concerne l’assurance de biens :
- Une certaine difficulté dans l’interprétation des impacts donnés par CCR ;
- Le temps consacré à l’exercice est assez conséquent du fait notamment de la conciliation des différents formats de données, l’interprétation des hypothèses, la mise en œuvre mais aussi la documentation afférente ;
- La vision simplifiée en utilisant seulement le RCP 4.5.
« Cet exercice a permis de soulever la question de la mesure du risque d’inassurabilité, qui sera, sans aucun doute, l’une des composantes clés dans l’appréhension du risque du changement climatique. »
Exercice ACPR 2023 et maintenant ?
La nécessité de poursuivre les travaux
Opportunités
L’enjeu pour les mois à venir est de répondre aux exigences réglementaires et de pilotage en quantifiant les risques environnementaux. Au travers cet exercice climatique 2023, l’ACPR a proposé un cadre de projection permettant notamment d’alimenter les travaux d’intégration des risques environnementaux dans l’exercice ORSA. Ces travaux ont constitué une opportunité de faire évoluer les outils de calculs (granularité de projection, application des chocs) et d’identifier les segments à retenir (secteurs, géographiques, âges…) pour l’analyse des portefeuilles d’actifs et de passif.
Répondre aux exigences réglementaires
Depuis la mise à jour du règlement délégué Solvabilité II en août 2022, les assureurs doivent prendre en compte les risques environnementaux dans la gestion des risques et les intégrer dans l’ORSA.
La révision en cours de la directive Solvabilité II renforce l’intégration de ces risques : identification de toute exposition importante aux risques liés au changement climatique, évaluation de l’impact des scénarios de changement climatique à long terme sur les activités d’entreprise…
Pour répondre aux attentes de la Loi Energie Climat dans le cadre de la publication des rapports article 29, l’ACPR a publié son analyse, le 22 janvier 2024, sur les informations fournies dans ces rapports. Il en ressort deux constats majeurs :
- La nécessité d’approfondir la mesure des impacts financiers des principaux risques environnementaux ;
- Le faible niveau de maturité sur la déclinaison opérationnelle du suivi des engagements de transition.
Capitaliser sur l’exercice pour les travaux d’intégration des risques environnementaux dans le pilotage des risques
L’exercice climatique est l’opportunité pour les acteurs d’approfondir les travaux d’intégration des risques environnementaux dans le pilotage des risques et notamment dans l’exercice ORSA, tout en poursuivant les réflexions sur les nouveaux indicateurs à prendre en compte.
Définition d’un socle commun entre le pilotage des risques et le suivi de la stratégie de l’entreprise
Un autre enjeu identifié par les experts Addactis va être la capacité des organismes d’assurance à disposer d’un cadre d’évaluation commun entre les différentes exigences auxquelles ils sont soumis ou engagements qu’ils ont pris (stress tests climatiques, intégration de la durabilité dans l’ORSA, mesure des éventuels engagements pris via l’adhésion à des alliances de place, 29LEC…).
« Cet exercice climatique est l’opportunité pour les acteurs de définir un socle commun pour la projection de la stratégie de transition, le suivi des engagements environnementaux et l’évaluation quantitative de ces risques. »
Table ronde autour des enjeux de prise en compte de la durabilité par les assureurs
En seconde partie de notre événement, lors d’une table ronde animée par Elie MERYGLOD, Anisa CAJA d’Allianz France, Florent CASTEL du Crédit Agricole Assurances et Jean-Guillaume PELADAN de Sycomore Asset Management et de la NEC Initiative Assurance sont intervenus sur la prise en compte des risques environnementaux dans la gestion des risques en assurance
Plusieurs sujets ont été abordés :
- Les constats des acteurs suite à la réalisation de l’exercice climatique (analyse et interprétation des résultats, enjeux opérationnels) ;
- La définition de la stratégie de transition (indicateurs, engagements, mise en œuvre et suivi) ;
- La poursuite de l’intégration des risques environnementaux dans le dispositif de gestion des risques (ORSA, enrichissement des cartographies, modélisation et outils) ;
- Les nouveaux risques induits par les enjeux environnementaux : Inassurabilité et réputation ;
- Les prochaines échéances réglementaires (Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), publications 29 LEC, rapports narratifs et ORSA).
« 2022 a été une année avec une sinistralité exceptionnelle à plus d’un titre, avec des périodes de retour très élevées sur certains périls. Il serait intéressant de comprendre quels seraient les impacts si une telle sinistralité devenait récurrente, notamment sur la solvabilité des assureurs. »
« Notre grand chantier en 2024 sera l’intégration d’un scénario ORSA groupe qui tienne compte des enseignements de l’exercice (du ST ACPR) avec une harmonisation et une cohérence à trouver entre les différents risques et entités du groupe. »
« La CSRD apportera de la transparence pure et simple. C’est une vague réglementaire très lourde mais qui va nous aider à avancer. Il y a un grand défi de montée en compétences du secteur financier pour comprendre ces données et les unités physiques publiées. »
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